Chaque époque a ses héros. La toute jeune littérature française a Charlemagne et ses paladins.
Ce sont eux qui agissent dans les
chansons de geste
, des poèmes épiques que chantaient
les jongleurs. La vérité historique est déformée pour refléter les idéaux de la chevalerie féodale
(fidélité au suzerain et à Dieu) illustrés à travers les exploits et la foi de personnages d’exception.
À partir du XII
e
siècle, le chevalier complète son idéal héroïque par le service d’amour.
Seule la discipline lui permet d’espérer s’élever au niveau de sa dame.
L’
amour
«
courtois
»
, né dans les cours occitanes, est le thème aussi bien des chansons que
des premiers romans, dont
Chrétien de Troyes
est l’un des plus grands auteurs.
La chanson de geste
Des poèmes épiques
À l’exception de quelques œuvres hagiographiques (qui parlent de la vie des saints),
les origines de la littérature française sont liées à la poésie épique. Les textes en
langue vulgaire qui s’imposent vers la fin du XI
e
et au XII
e
siècle racontent avant
tout les
prouesses des héros
qui ont contribué à la formation de la nation. Les
idéaux chevaleresques de courage et de vertu, ainsi que la
fidélité au seigneur
et
aux
valeurs chrétiennes
, sont les sujets qu’exaltent les
chansons de geste
.
On désigne par ce terme des
poèmes épiques
,
en vers
, qui racontent les exploits guer-
riers (en latin
gesta
) des chevaliers du temps passé. Destinées au début à la récitation
publique, dans le château du seigneur ou sur la place du village, les chansons de geste
étaient
déclamées par des jongleurs
[ p. 17] sur un accompagnement musical.
Bien que les récits légendaires se superposent aux faits réels, ces chansons permet-
taient aux foules d’
entrer en contact avec de véritables événements historiques
et
de se familiariser avec les grands héros du passé, tout en s’amusant.
Le problème des origines
L’origine des chansons de geste n’est pas claire mais on peut retenir deux hypo-
thèses principales. Selon la
théorie
dite «
traditionaliste
», il s’agit d’œuvres liées à la
tradition collective et qui ont été répandues oralement grâce aux pèlerinages. À la
base de ces poèmes il y aurait donc des récits légendaires et des contes folkloriques.
Selon la
théorie «individualiste»
, par contre, les chansons de geste possèdent des
qualités littéraires qui n’ont rien de populaire: elles seraient plutôt la création de
véritables poètes qui écrivent pour l’élite féodale. Une troisième hypothèse conci-
lie les deux précédentes: elle admet l’existence préliminaire de
récits populaires
oraux, transformés par la suite en œuvres écrites par des poètes
.
La forme poétique
Nous connaissons près de quatre-vingts chansons de geste, qui vont du XI
e
jusqu’au
XIV
e
siècle. La longueur de ces poèmes est très variable; ils peuvent compter de
mille à vingt mille vers (en général des
décasyllabes
). Ces derniers sont liés entre
eux par une
assonance
(répétition de la voyelle accentuée à la fin de chaque vers) et
groupés en strophes appelées «
laisses
» dont la longueur varie également. Chaque
laisse est caractérisée par une assonance différente.
Ces poèmes n’étaient pas destinés à être lus mais entendus: c’est pourquoi on re-
marque de nombreuses répétitions d’une laisse à l’autre. Elles favorisaient la mé-
morisation de la part des jongleurs et aidaient l’auditoire à ne pas perdre le fil de
l’histoire. Elles soulignaient aussi les passages importants du texte.
Jean Froissart,
La bataille d’Auray
,
vers 1410.
013_043_moyen_age.indd 24
19/01/